Suède

SUEDE

 

Romaric Godin dans "La Tribune" du 12 février 2015 Article intitulé : La Suède instaure un taux de refinancement négatif

" En termes de politiques monétaires, la Suède est décidément très créative. C'est là en effet que la première banque centrale de l'histoire a été créée en 1668. Et c'est là que ce jeudi 12 février 2015, cette même Banque de Suède (Sveriges Riksbank) a instauré un taux négatif de refinancement de 0,1 %. Cette fois, la Suède n'a pas inventé cette mesure : elle a été utilisée par la Banque Nationale Suisse (BNS) (il est actuellement à -0,75 %), mais le mouvement a surpris tout le monde car il est très rare. L'arme atomique de la Riksbank On connaît les taux de dépôt négatifs qui font payer aux banques qui veulent déposer des fonds auprès des banques centrales. Il est utilisé désormais très largement. La BCE impose ainsi une « taxe » de 0,20 % aux dépôts. Au Danemark, ce taux est de -0,75 %, en Suède, il est de -0,85 %. Logiquement, les observateurs s'attendaient à ce que la Riksbank aille plus loin encore dans le taux de dépôt négatif. Elle a préféré une autre voie : un taux de refinancement de -0,1 %. Autrement dit, lorsqu'une banque viendra demander 100 couronnes à la Riksbank, elle repartira avec 100,1 couronnes. C'est donc de la véritable création monétaire ex nihilo sans contrepartie, une arme bien plus puissante que l'assouplissement quantitatif (QE) qui, in fine, est neutre, puisque la dette rachetée doit être remboursée. Ceci dit, la Riksbank a aussi annoncé un QE : un programme de rachat de 10 milliards de couronnes (environ 1,04 milliard d'euros). Et la Riksbank promet qu'elle est prête à faire plus, si nécessaire. La problématique suédoise est aujourd'hui principalement celle de sa monnaie. La couronne suédoise, depuis 2002, évolue librement sur le marché des changes. Compte tenu de la forte croissance du pays et de sa solidité financière, beaucoup d'investisseurs voient dans la monnaie suédoise une position de repli pour se protéger contre la baisse de l'euro. Le risque est donc de voir la couronne s'apprécier fortement. Après l'annonce de l'assouplissement quantitatif de la BCE, le 22 janvier dernier, la couronne suédoise avait gagné jusqu'à plus de 2 %, avant de revenir à son niveau d'avant cette annonce. Pourquoi alors avoir agi aussi fortement alors que la couronne n'est pas sous pression ? La Riksbank ne veut prendre aucun risque. Certes, la croissance du pays est forte : 2,3 % au troisième trimestre, sans doute 2,7 % cette année, selon la banque centrale et 3,3 % en 2016. Mais le moteur des exportations reste à l'arrêt et le risque est qu'en cas de forte appréciation de la couronne, les exportations suédoises perdent du terrain. A cela s'ajoute une deuxième donnée : l'inflation. En janvier, elle était sur un an, à - 0,3 %. Si ce taux reste durablement négatif, les marges des entreprises demeureront sous pression et la croissance suédoise reste (relativement à sa force) peu créatrice d'emploi, le taux de chômage demeure à 7,8 %. La Riksbank ne peut donc, là non plus, ne prendre aucun risque. Dernier élément qui explique le choix : la guerre des monnaies. Chacun tente « d'exporter » chez l'autre sa déflation en dépréciant sa monnaie. La BCE veut peser sur l'euro. La banque nationale suisse (BNS) a levé son taux plancher, mais tente désormais de stopper l'appréciation du franc par des interventions ponctuelles et une politique très agressive de taux négatifs. Le Danemark a fait savoir qu'il défendrait coûte que coûte l'ancrage de sa couronne sur l'euro et la banque centrale danoise a déjà pris des dispositions en ce sens. Bref, la Riksbank avait toutes les raisons de penser que la couronne suédoise était la prochaine position de repli des investisseurs. Elle a voulu frapper fort pour les décourager. Sera-ce efficace ? La Riksbank a, en tous cas, placé la barre très haut. Et l'euro, après l'annonce gagnait près de 1,2 % et passait les 9,6 couronnes, du jamais vu depuis août 2010 ! Dans l'immédiat, le pari semble donc réussi, compte tenu de l'effet de surprise.