Ethique

ETHIQUE

 

 


  Willy Boder dans "Le Temps" Suisse du 22 avril 2015 Article intitulé : Comment obliger les multinationales à la diligence

" Quelque 60 organisations non gouvernementales (ONG) veulent sanctionner les atteintes aux droits de l’homme et à l’environnement commises par des entreprises suisses à l’étranger. Elles l’ont fait savoir mardi à Berne en lançant la récolte de signatures d’une initiative populaire à ce sujet.
Les cas du travail des enfants dans les usines textiles, de la pollution au dioxyde de soufre par Glencore en Zambie, ou du pesticide paraquat de Syngenta, interdit en Suisse mais utilisé dans les pays en développement, ont défrayé la chronique. Ils mettent en évidence le manque de responsabilité sociale et environnementale de certaines multinationales suisses dans leurs activités à l’étranger, en particulier dans des pays peu ou mal réglementés.
Réputation suisse en jeu
Des ONG, également soutenues par la fondation Ethos et des organisations syndicales, ont décidé d’agir en demandant une modification de la Constitution afin de pouvoir traîner devant les tribunaux suisses des multinationales qui failliraient à leurs devoirs en matière de droits de l’homme et de protection de l’environnement à l’étranger. «Il est primordial pour la réputation de notre pays de responsabiliser nos entreprises, souligne Cornelio Sommaruga, président honoraire du CICR et membre du comité d’initiative. Nous devons éviter de tomber dans une situation où la pression étrangère bilatérale ou multilatérale nous pousse dans la perte de maîtrise, comme cela a été le cas pour la place financière.» Des réglementations renforçant l’éthique des multinationales sont déjà en place aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, et à l’étude en France ou au sein de l’OCDE.
Obligation de diligence
L’initiative constitutionnelle se présente sous la forme d’un nouvel article 101a qui oblige la Confédération à prendre des mesures pour que l’économie respecte davantage les droits de l’homme et l’environnement. Elle impose des obligations, dans le monde entier, aux multinationales suisses ayant leur siège principal ou leur administration centrale en Suisse. Ces entreprises doivent ainsi faire preuve «d’une diligence raisonnable». Elles sont également responsables du dommage causé par les sociétés qu’elles contrôlent, sauf si elles peuvent prouver qu’elles ont pris toutes les mesures nécessaires pour prévenir un dommage à l’environnement ou une atteinte aux droits de l’homme.
Le for juridique peut être déplacé en Suisse, mais la qualité pour recourir contre des comportements contraires aux droits de l’homme ou à la protection de l’environnement revient aux personnes directement lésées, et non pas aux ONG. Les actions en justice seront facilitées car il est prévu le renversement du fardeau de la preuve. Ce sera en effet à l’entreprise de prouver qu’elle a pris toutes les mesures nécessaires pour éviter les dégâts qui lui sont reprochés.
Si le texte recueille les 100 000 signatures nécessaires en dix-huit mois, ce qui devrait être le cas puisqu’une pétition lancée en 2011 sur le même thème avait recueilli 135 000 signatures, le projet sera soumis au parlement, puis en votation populaire dans deux ou trois ans. Antoinette Hunziker-Ebneter, ancienne membre du comité de la bourse suisse, est favorable à l’obligation de diligence car «l’expérience montre que les initiatives volontaires ne peuvent avoir qu’un effet limité puisque aucune société n’internalise les coûts volontairement».