Comptabilité

COMPTABILITE

Vincent Bouquet  dans "Les Echos" du 23 octobre 2015 : Les IFRS dopent les carrières comptables

" La complexité des nouvelles normes comptables internationales a permis aux comptables d’acquérir une place stratégique dans l’entreprise. Nous vivons bien une ére comptable, ère comptable lobbyisée pour contrôler les entreprises. Alors que la comptabilité devrait être simple, elle est complexifiée afin que le business comptable et de commissariat soit prospère et stratégique.
Les IFRS, qui fêtent leurs 10 ans, ont donné du fil à retordre aux entreprises. L’apprentissage de ces nouvelles normes, s’il ne s’est pas fait sans difficultés, a néanmoins permis à la profession comptable de sortir de son isolement. « Dorénavant, la comptabilité, la gestion et le reporting ont le même langage, assure Isabelle Triquera, directrice de la division comptabilité-consolidation d’EDF, à l’occasion de la conférence annuelle de l’APDC. Cela a permis une vraie convergence entre la comptabilité et la gestion. » La gestion n'est plus une gestion de croissance d'entreprise mais une gestion de croissance de services comptables.
Outre cette meilleure collaboration entre les différentes branches de la finance d’entreprise, le passage aux IFRS a également encouragé le dialogue des comptables avec les opérationnels. « Par exemple, pour évaluer la durée d’amortissement d’un actif, comme une rame de métro, la comptabilité est obligée de se servir de l’expertise des opérationnels, affirme Gwenolé Le Berre, responsable consolidation du groupe RATP. Et, inversement, les opérationnels ont pris conscience qu’ils ont besoin d’un expert normatif lors de la signature d’un ­contrat important ou pour prendre une décision d’investissement. »
Une compétence devenue indispensable
Par leur complexité et les connaissances techniques qu’elles requièrent, les normes IFRS ont donné l’occasion aux comptables de dépasser les frontières de leur back-office et d’être régulièrement consultés par le top management. « Chez Orange, très en amont des projets, les comptables sont présents, aux côtés des opérationnels et des dirigeants, pour alerter sur les conséquences qu’une acquisition, une cession ou encore une nouvelle offre pourraient avoir sur les comptes du groupe », précise Gilles Barbier, directeur du contrôle de gestion des fonctions transverses et corporate de l’opérateur téléphonique.
Cette connaissance des IFRS est une condition sine qua non pour tout comptable désireux d’intégrer un grand groupe coté. « Sur le marché, la différence est majeure entre les sachants et ceux qui ne maîtrisent pas ces normes, prévient Gwenaël Perrot, chasseur de têtes et associé de Lincoln HR. Les grands groupes veulent ­disposer de compétences en interne sur les IFRS pour avoir des personnes qui, en plus de la ­technique normative, connaissent le business, contrairement à un expert externe. » Arrivés sur le devant de la scène de l’entreprise, les ­comptables n’ont plus qu’un défi à relever : celui d’y rester.
A noter
Avec le passage aux IFRS, le volume de l’information financière réglementée a bondi de 20 %, selon une étude réalisée par KPMG.

Commentaire : Les big four sont parmi les plus grands "lobbyisateurs" à Bruxelles.

Dans "Le Temps" Suisse du 6 octobre 2015 : Les nouvelles régulations du marché de l‘audit sont-elles souhaitables ?

" Depuis plusieurs décennies, les auditeurs certifient les comptes des entreprises et, par conséquent, disciplinent les dirigeants qui seraient tentés d’afficher une situation financière conforme à leurs intérêts, mais qui traduirait moins bien la réalité économique de leur entreprise
Si, globalement, les auditeurs remplissent parfaitement leur rôle, certains scandales financiers ont cependant ébranlé la confiance des investisseurs depuis le début du millénaire. En particulier, la disparition de la société Enron aux États-Unis et la récente crise financière ont amené les investisseurs à douter de la qualité de l’audit, et donc de la fiabilité des chiffres comptables des entreprises. Ces événements ont conduit à l’adoption de nouvelles règles du jeu. Ainsi, la loi Sarbanes-Oxley (SOX) adoptée en 2002 par le congrès américain a introduit plusieurs nouveautés, comme la limitation des honoraires de conseil facturés par les auditeurs aux entreprises clientes et la création d’un organisme de supervision de la profession (PCAOB). En Europe, des évolutions similaires ont été constatées. Après plusieurs années de débats, une nouvelle directive concernant les contrôles légaux des comptes annuels et des comptes consolidés, adoptée en 2014 et applicable dès 2016, prévoit notamment une réduction des honoraires de conseil et une rotation obligatoire des auditeurs.
Enfin, l’organisme en charge de la production des normes internationales d’audit (IAASB) a émis une nouvelle norme (ISA 701) en 2015, obligeant les auditeurs à changer le format du rapport d’audit. Il devra désormais inclure des explications sur des points clés ayant suscité des doutes sur la fiabilité des chiffres comptables. De tels rapports sont déjà publiés en France depuis 2003, et en Angleterre depuis 2013. Il est intéressant de noter que, pour l’instant, les États-Unis n’exigent pas la production de ce nouveau rapport d’audit, en raison des fortes résistances rencontrées dans le milieu des auditeurs et des directeurs financiers des sociétés cotées en bourse. Ces acteurs sont en effet fortement préoccupés par le risque de litige associé à un tel rapport.
L’importance de ces changements est telle que de nombreux chercheurs à travers le monde étudient les conséquences pour les investisseurs de ces nouvelles règles (1). À ce jour, les résultats obtenus ne permettent pas de conclure à des effets nets positifs, ce qui n’est cependant pas véritablement surprenant. En effet, les nouvelles règles du jeu ont surtout veillé à accroître l’indépendance des auditeurs, c’est-à-dire leur volonté de divulguer des erreurs comptables (ou fraudes), négligeant ainsi une seconde dimension: la capacité des auditeurs à détecter des fraudes.
Dans l’environnement actuel, cette seconde dimension devient cependant cruciale. En effet, dans nos économies globalisées, les grandes sociétés cotées en bourse réalisent de très nombreuses opérations et contrôlent plusieurs entités à travers le monde. Cette globalisation rend plus complexe le contrôle des comptes par des auditeurs externes. Par ailleurs, le passage aux normes IFRS a accru la discrétion des dirigeants en matière comptable. L’évaluation à la juste valeur de certains actifs comme le goodwill, ou de certaines dettes comme les pensions, est devenue particulièrement ardue, dans la mesure où les valeurs obtenues dépendent largement des anticipations des dirigeants sur le devenir de l’entreprise. Dans ce contexte, la bonne connaissance des entreprises, qui dépend du temps que les auditeurs y passent, devient cruciale pour apprécier certains risques clés.
Dès lors, il semble évident que la rotation obligatoire des auditeurs accroît leur indépendance au détriment de leur connaissance de l’entreprise, et donc de la capacité à détecter des erreurs ou des fraudes comptables. Il en va de même pour l’interdiction de fournir des conseils aux entreprises auditées (par exemple, la mise en place d’un nouveau système d’information, ou l’assistance lors d’une opération de fusion-acquisition).
Au final, d’un point de vue économique, certaines nouvelles règles produiront probablement des effets positifs pour les investisseurs, en raison d’une réduction des conflits d’intérêts. Il faut cependant également s’attendre à des conséquences plus négatives en raison d’une moins bonne connaissance des entreprises par les auditeurs. En revanche, pour ces derniers, une adaptation du «business model» est certainement à prévoir.
(1) Plusieurs travaux ont d’ailleurs été présentés lors de la 8ème conférence académique EARNet, qui s’est tenue mi-septembre à HEC Lausanne (UNIL), et qui a réuni plus de 100 experts de l’audit en provenance de 22 pays. Ces travaux sont consultables à l’adresse suivante: http://www.unil.ch/earnet201

Dans "Dalloz" du 21 mai 2015 Article intitulé : Les secrets des cabinets comptables plus faciles à percer

" En novembre 2014, l’affaire Luxleaks éclate. Un consortium international de journalistes, l’International Consortium of Investigative Journalists (ICIJ), publie en ligne des correspondances entre le cabinet d’audit PwC et l’administration fiscale luxembourgeoise. Le secret auquel sont assujettis les cabinets comptables comporte des limites. En l’occurrence : la liberté d’information. Le secret, ce bien si précieux des cabinets comptables, peut être percé à d’autres occasions. Aujourd’hui, les services français du renseignement disposent du droit d’espionner les professionnels du chiffre sans se préoccuper de savoir si les informations sont protégées par un secret, professionnel ou non. Sous conditions, ils peuvent réaliser des interceptions de sécurité, c’est-à-dire écouter les conversations téléphoniques et consulter les messages électroniques. Ils sont également autorisés à accéder aux données de connexion téléphonique et internet, que l’on appelle aussi métadonnées. Les agents peuvent ainsi connaître l’identification des abonnés d’un professionnel du chiffre, la liste des numéros appelés et appelant, la durée et la date des communications, la localisation des terminaux utilisés… mais ils ne peuvent pas, par ce biais, consulter le contenu des échanges. Demain, il est probable que le périmètre de la surveillance soit très élargi. L’Assemblée nationale a adopté, à une large majorité, le projet de loi relatif au renseignement.
Référence : http://www.dalloz-actualite.fr/flash/secrets-des-c...

Denis Lafay dans "La Tribune" du 3 mars 2015 Article intitulé : Loi Macron, le jackpot pour Fiducial

" Le fondateur de Fiducial, Christian Latouche, a-t-il manœuvré en amont de la Loi Macron pour que son empire (expertise comptable, droit, informatique, sécurité, gestion…) arraisonne les professions du notariat, d'huissier ou d'administrateur judiciaire ? Des liens établis avec Arnaud Montebourg à l'incroyable participation d'une salariée "déguisée" à la Mission parlementaire chargée de "préparer" la loi, Acteurs de l'économie - La Tribune révèle les raisons de le croire. Son organisation - très contestée - et son appétit de développement placent Fiducial en tête des gagnants de la libéralisation des professions juridiques réglementées.
L'article 21 du Titre I de la Loi Macron est explicite : « Faciliter la création de sociétés ayant pour objet l'exercice en commun de plusieurs des professions d'avocat, d'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, de commissaire-priseur judiciaire, d'huissier de justice, de notaire, d'administrateur judiciaire, de mandataire judiciaire et d'expert-comptable ». Encadrée - encore confusément - par l'article 22 pavant les « dispositions relatives au capital des sociétés », cette nouvelle étape vers la libéralisation des professions réglementées et l'encouragement à fonder des sociétés communes à différentes professions judiciaires et juridiques, du droit et du chiffre, pourraient bouleverser les équilibres et rapports de force desdites professions.
« Deux poids deux mesures »
Une entreprise en particulier peut se frotter les mains : Fiducial, le conglomérat tentaculaire fondé par Christian Latouche, qui en 2013 employait 17 100 salariés (dont 11 700 en Europe) et affichait un chiffre d'affaires consolidé de 1,740 milliards de dollars. Et quelques situations étonnantes étoffées par des faits tout aussi surprenants interrogent le rôle et l'influence que l'emblématique et omnipotent président a exercés en amont de la promulgation de la loi.
Christian Latouche (74 ans) depuis plusieurs décennies milite, officiellement devant la loi - française ou européenne - ou officieusement via ses puissants réseaux, pour la dérèglementation et la libéralisation des professions du droit et du chiffre. Y compris par la force, comme le démontre la coexistence des sociétés d'avocats Fiducial Sofiral, d'audit Fiducial Audit, et d'expertise-comptable Fiducial Expertise, qui depuis de nombreuses années ne manque pas d'interpeller au sein des organismes et autorités représentatifs.
« Oui, je demeure sidéré par la persistance de ce « deux poids deux mesures » dont bénéficie Fiducial », résume Pierre-Yves Joly, bâtonnier de l'Ordre des avocats de Lyon. Au sein des instances de la profession de l'expertise-comptable - tout en constatant le comportement « irréprochable » des professionnels de Fiducial Expertise en matière de qualité de prestation et de déontologie -, même aveu et même impuissance face à ce qui s'est « imposé dans le temps au mépris de règles majeures », et qui, par le nombre de professionnels inscrits, « pèse » autant financièrement qu'au moment des désignations des officiels.
Entrelacs opaque
Fiducial demeure un groupe dont il est extraordinairement complexe de détricoter les liens et les interactions, autant organisationnels que capitalistiques, entre les structures qui le composent. Sur le seul territoire français, et pour les seules dénominations incluant l'enseigne Fiducial, pas moins de 46 sociétés sont recensées.
Au sommet de cet entrelacs domine Fiducial, une société civile au capital de 30 millions d'euros et dont Christian Latouche est le gérant. Autour sont déployées notamment Fiducial Sofiral - présidée par son épouse Marie-Joseph Latouche née Jarjaille -, Fiducial Audit et Fiducial expertise, mais aussi Fiducial Sécurité (née de la reprise, le 3 août 2012, de Néo Sécurité alors en redressement judiciaire), Fiducial Informatique (éditeur de logiciels de gestion), Fiducial Office solutions (fourniture de bureau), Fiducial Gérance (société de gestion de portefeuille spécialisée dans les SCPI et OPCI), Fiducial Conseil (placements, prévoyance, retraite, transmission, succession). Et même Banque Fiducial : issue du rachat en 1990 de Banque Hirigoyen et développée par la suite aux côtés d'un actionnaire de référence - BPCE -, elle vole de ses propres ailes depuis 2013 et l'obtention de l'agrément, par l'APCR (Autorité de contrôle prudentiel et de résolution), d'exercer de manière pleine et entière auprès de la clientèle professionnelle.
Au total et pour l'exercice clos le 30 septembre 2014, en Europe l'activité comptable émarge à 369,468 millions d'euros, l'activité juridique et fiscale à 28,322 millions d'euros, l'activité conseil en organisation (banque et conseil financier, informatique) à 82,759 millions d'euros, et l'agglomération des autres activités (sécurité, fournitures de bureau, immobilier, médias) à 451,368 millions d'euros, pour un total consolidé de 931,917 millions d'euros (source Fiducial).
Bientôt une puissance de feu inédite ?
L'indiscutable « génie » industriel de Christian Latouche réside dans sa préoccupation originelle, à l'époque raillée par les professionnels du chiffre mais en réalité aussi audacieuse que visionnaire, des enjeux des entrepreneurs et patrons de TPE / PME, auxquels il propose désormais une très large palette de prestations. Palette que la loi Macron lui permet, potentiellement, d'élargir à de nouvelles professions : huissiers, administrateurs, et bien sûr notaires. Et ce qui effraye au sein des professions concernées va bien au-delà du seul intérêt « industriel » pour Fiducial : la « cohabitation », au sein d'un même groupe, d'activités, de clients, de bases de données à la fois juridiques et bancaires, patrimoniales et informatiques, comptables et « sécuritaires » fait aujourd'hui peur.
Mais lorsque « demain », c'est-à-dire une fois les décrets publiés, cet éventail de compétences pourra être étendu à de nouvelles professions via des sociétés qui officiellement pourront croiser des identités « métiers » et capitalistiques plurielles, Fiducial et son propriétaire - qui a décliné nos demandes d'entretien - seront-ils alors aux commandes d'une puissance de feu inédite, autorisée à consolider des informations et à en faire profiter commercialement chaque entité du conglomérat ?
Dans une circulaire diffusée en interne le 17 décembre 2014, la direction de Fiducial faisait état :
« D'informations, circulant dans le monde notarial sur la volonté du groupe de créer une branche « notaire » qui ferait concurrence à cette profession. Ces informations sont totalement fausses, nous vous remercions de vivement les démentir si vous êtes en contact avec un tiers, et de nous faire remonter tout document ou propos dont vous auriez connaissance ».
Mais alors pourquoi, rapporte une source interne, « mandat » lui fut donné dès 2011 de repérer les opportunités de rachat d'offices notariés quand bien même, à l'époque, une telle perspective était juridiquement impossible ?
Un lobbying déguisé
Un événement vient crédibiliser, de manière aussi peu contestable que troublante, l'intérêt de Fiducial pour l'activité notariale, et cette fois dans le cadre très officiel de la Loi Macron. A l'automne 2014, Cécile Untermaier, député socialiste et membre de la Commission des lois, conduit la Mission d'informations sur les professions juridiques réglementées, préparatoire à la loi Macron. Le 13 novembre, les responsables de cette mission auditionnent une poignée d'acteurs du monde notarial censés les éclairer sur les enjeux que la perspective de dérèglementation innerve au sein de leur profession. Parmi ces acteurs : Anne-Sophie Poiroux, qui s'exprime au nom d'un obscur « Collectif des diplômés notaires ». Collectif qui, selon nos informations, ne fait l'objet d'aucune existence officielle, a été convoqué sans qu'aucune vérification sur sa légitimité ne soit effectuée, et dont la représentante nous confie justifier l'opacité des caractéristiques par « l'anonymat » requis par ses membres.
Son crédo ? Notamment la « liberté d'installation », la « révision du tarif » préconisant une « grande liberté dans son établissement » et prophétisant une « baisse grâce à une saine concurrence » - « la porte ouverte à un dumping qui profiterait aux grosses structures », prévient une notaire installée dans le sud-ouest -, enfin « l'ouverture à des capitaux extérieurs » autorisant « avocats et experts-comptables à s'associer avec des notaires ». Anne-Sophie Poiroux affirme être titulaire du diplôme de notaire et s'exprimer au seul nom de son « centre d'intérêt personnel » pour la cause. Mais au moment de son intervention, elle n'exerce nullement en tant que tel : elle est alors avocate, inscrite au barreau des Hautes Alpes. Et son employeur n'est autre que Fiducial Sofiral.
Mission parlementaire dépassée
Cette information, capitale, Cécile Untermaier reconnait « l'ignorer totalement » et concède sa « vive inquiétude » quant à l'interprétation qui doit en être faite : « Vous avez bien fait de m'appeler et de me questionner sur le sujet », conclut-elle même...
Comment un « collectif » dont la légitimité est à ce point suspecte a-t-il pu être auditionné et donc influer sur les recommandations de la Mission parlementaire ? Pour qui connait les méthodes managériales et les règles d'organisation interne de Christian Latouche, est-il possible de croire qu'Anne-Sophie Poiroux se soit ainsi exprimée sans que son employeur - avec qui, depuis et curieusement eu égard au calendrier, elle est séparée - n'ait été informé, voire l'instigateur de l'intervention ?
Si Fiducial fait le choix de déployer une stratégie d'entrée dans certains de ces nouveaux métiers, l'intérêt peut même dépasser la seule opportunité de croiser des fichiers commerciaux et de tirer profit, activité par activité, des relations professionnelles - et dans certains métiers naturellement très influentes - déjà exercées. En effet, dans le sillage des pratiques de Christian Latouche pour peser, jusqu'à la Cour européenne, sur l'assouplissement des règles d'exercice dans les professions du droit et du chiffre - à l'instar de l'interdiction de démarchage pour les experts-comptables, levée en avril 2011 et à l'origine de laquelle il aurait exercé un rôle déterminant -, certains remparts aujourd'hui inexpugnables pourraient, demain, vaciller voire disparaître.
La Banque Fiducial aux premières loges
Exemple ? Les fonds clients collectés par les notaires (600 milliards d'euros) et les mandataires ou administrateurs judiciaires (environ 7 milliards d'euros consolidés sur les deux professions) font l'objet aujourd'hui d'un dépôt obligatoire, d'ailleurs très faiblement rémunéré, à la Caisse des dépôts. Mais demain ? Pourquoi la Cour européenne ne pourrait-elle pas être saisie de ce qu'une seule banque pourrait juger inique, et alors « casser » un dispositif domestique jugé contraire aux règles concurrentielles ? Quant aux huissiers, l'ouverture d'un compte affecté au fond clients (un total annuel de 8 milliards d'euros recouvrés) est, elle, depuis toujours « libre », c'est-à-dire souscrite dans n'importe quel établissement bancaire.
On imagine dès lors le formidable potentiel d'attraction pour Banque Fiducial, dont un ancien dirigeant relève par ailleurs qu'elle a tout intérêt à la dérèglementation, elle-même explorée dans la loi Macron, des conditions d'exercice du métier d'expert-comptable (accès de manière croisée au capital des sociétés d'avocats, prestation de services non juridiques à titre exclusif) afin de récupérer des prérogatives aujourd'hui sanctuarisées.
Néo Sécurité, point de départ de sa relation avec Montebourg
Enfin, quand bien même leurs conceptions politiques et idéologiques de l'économie apparaissent antagoniques - Acteurs de l'économie révéla dans une enquête en 2004 la proximité du très libéral Christian Latouche avec le Front national, au bureau politique duquel il était venu présenter les grandes lignes d'un programme économique en vue du scrutin régional -, le Pdg de Fiducial et Arnaud Montebourg semblent avoir noué des liens étroits, dans le prisme desquels d'aucuns suspectent un levier pour influencer le « climat » préparatoire à la loi Macron.
Ce lien remonte aux lendemains du scrutin présidentiel de 2012. Entre les deux tours, la société de gardiennage et de sécurité Néo Sécurité est en cessation de paiement ; le 18 juin, elle est placée en redressement judiciaire, et le 3 août, c'est à Fiducial que le tribunal de commerce de Paris confie l'avenir de 3 320 des 4 900 salariés du groupe alors numéro 2 de la sécurité en France, suscitant chez Arnaud Montebourg d'emphatiques déclarations. Une sacrée épine retirée du pied du Ministre du Redressement productif, qui peinait alors à crédibiliser un portefeuille largement moqué et à faire la démonstration concrète du bienfondé de son action.
Quelques semaines plus tôt, le 10 juillet 2012, était publié un décret durcissant le code de déontologie des personnes physiques ou morales exerçant des activités privées de sécurité, selon un ancien collaborateur de Christian Latouche « utile voire même essentiel » pour convaincre ce dernier de s'aventurer dans un secteur inédit et a priori très éloigné de son cœur de métier.
Aux côtés de Montebourg pour contrer Tapie ?
De cette miraculeuse reprise d'activité, le futur ministre de l'Economie s'est-il souvenu, d'abord quelques mois plus tard, lorsque, comme l'indique le spécialiste des médias Renaud Revel (L'Express) il sollicite Christian Latouche (déjà propriétaire de Sud Radio et de Lyon Capitale, et peut-être prochainement de Valeurs Actuelles) pour tenter de contrer « l'honni » Bernard Tapie, candidat à la reprise de La Provence, Nice Matin et autres Corse Matin ? Et ensuite lorsqu'il s'emploie à réfléchir aux moyens de libéraliser l'économie jusqu'à proposer, rapporte un ancien président de chambre territoriale des notaires, d'ouvrir « l'acte authentique », fondateur du métier de notaire, à d'autres professionnels ?
« Tout de la loi Macron s'est décidé à Bercy », précise ce hiérarque. Et cela bien avant la nomination de l'ex-banquier de Rothschild, le 26 août 2014, au ministère de l'Economie, de l'Industrie et du Numérique. Qui, en effet, plus qu'Arnaud Montebourg s'érigea en pourfendeur des professions réglementées, faisant la promesse - plus tard publiquement discréditée par son successeur - le 10 juillet 2014 de "rendre aux Français 6 milliards d'euros" une fois "les rentes et monopoles" cassés ? Enfin, que Cécile Untermaier se soit installée dans le fauteuil de député de la 4e circonscription de Saône-et-Loire en partie occupé jusqu'aux législatives de 2012 par... Arnaud Montebourg lui-même, ne peut qu'aiguiser les interrogations.
Dans l'attente des décrets
Certes, la loi Macron ne « créée » pas in extenso l'interprofessionnalité, puisque le décret du 19 mars 2014 autorisant la naissance de sociétés de participations financières de profession libérales (SPFPL) plurisdisciplinaires, constituait un premier pas en avant - qui d'ailleurs n'a provoqué aucun emballement dans les professions du droit et du chiffre. Certes également, l'examen de la Loi Macron par le Sénat pourrait substantiellement évider le contenu, et il pourrait revenir alors à une Commission mixte paritaire la responsabilité de rédiger un texte synthétique final qui aura été le théâtre de nouvelles batailles de lobbying particulièrement âpres dans les prochaines semaines.
« Soyez certain que si "l'âme" propre à l'exercice notarial est menacée, nous irons jusqu'à reconsidérer l'un des piliers de notre secteur : la "garantie collective", qui fait office d'assurance mutuelle entre les professionnels », prévient un notaire en vue de l'agglomération lyonnaise.
Certes enfin, les conditions d'éligibilité à la fois déontologique et capitalistique à la création de sociétés communes, ne sont pas encore clairement délimitées - quand bien même, retient Pierre-Yves Joly, la Loi semble réaffirmer un récent arrêt de la Cour de cassation stipulant que dans l'ordre public économique la majorité du capital et des droits de vote des sociétés d'exercice libéral doit appartenir aux professionnels en exercice.
Une véritable aubaine
Pour autant, cette Loi lève les ultimes ambigüités sur la constitution de société croisant professionnels avocats, experts-comptables, notaires, administrateurs, etc., et constitue indéniablement une aubaine pour Fiducial, notamment dans un secteur notarial de 9 650 professionnels qui tout à la fois traite une manne annuelle de 600 milliards d'euros, génère 6,2 milliards d'euros de chiffre d'affaires, et n'échappe pas aux difficultés économiques, la vulnérabilité de certaines études s'offrant en proie aux prédateurs les plus convaincants et les mieux armés.
Selon le Conseil supérieur du notariat dans une note publiée le 19 février, « une société d'exercice libéral de notaires pourra dorénavant être dirigée par un professionnel du droit étranger ou français quelle que soit sa profession »... « Le notariat constitue un segment d'activité très important pour Fiducial - sa branche Informatique assure une grande partie des architectures ad hoc et logiciels de gestion des notaires, pour un montant annuel d'environ 30 millions d'euros selon une source, et son département comptable est leader en missions de révision de comptes de la profession, NDLR -, résume un ancien dirigeant de la Banque éponyme. « Concentrez-vous sur votre métier de patron, nous nous occupons de tout le reste » pourrait constituer le crédo de Fiducial auprès de ses clients entrepreneurs. Et justifier la stratégie de consolidation et d'optimisation des différents métiers réunis dans une offre composite ». L'activité notariale apparaît comme la pièce manquante d'un puzzle de moins en moins clairsemé.

Dans "La Tribune" du 8 février 2015 Article intitulé : "L'évasion fiscale à échelle industrielle", ou le business de PwC dénoncé par des députés britanniques

" Les députés du Comité des comptes publics britannique ont longuement étudié les pratiques comptables employées par PricewaterhouseCoopers (PwC). Leur rapport est sans appel. Entre 2002 et 2010, "ce cabinet a adressé plus de 500 lettres aux autorités fiscales luxembourgeoises" dans le but d'aider "plus de 300 clients internationaux" à alléger leur feuille d'impôts. Conseil en optimisation fiscale Les entreprises étaient ainsi incitées à enregistrer leurs bénéfices dans des paradis fiscaux tels que le Luxembourg grâce à une série de prêts entre leurs différentes divisions, explique la BBC. C'est ainsi que le groupe pharmaceutique Shire, basé au Royaume-Uni, paye 0,0156% d'impôts sur ses bénéfices au Luxembourg, pays où il n'emploie que deux personnes, contre 5.600 dans le monde, rapporte le Comité. Selon The Independant, Amazon, IKEA, Burberry, Accenture, Coca-Cola et Vodafone auraient également bénéficié des conseils de PwC pour mettre en place des dispositifs semblables.
"Exclure PwC des contrats signés par le gouvernement"
Il ne s'agit "ni plus ni moins que de la promotion de l'évasion fiscale à une échelle industrielle", s'exclame Margaret Hodge, présidente du Comité. Alors que PwC entretient des liens étroits avec les conservateurs, cette députée travailliste invite les ministres à exclure PwC des contrats signés avec le gouvernement.
Avant les élections législatives de 2010, le cabinet d'audit et de conseil avait en effet fourni un soutien technique et des conseils professionnels au parti conservateur pour 290.000 livres, soit 388.000 euros, rappelle The independant.
Antécédents Ces accusations émises dans le rapport contre PwC constituent un nouveau rebondissement dans le scandale LuxLeaks impliquant le cabinet. L'enquête réalisée par un consortium de journalistes d'investigation a déjà révélé en novembre des accords signés entre 340 multinationales et le grand-duché du Luxembourg, provenant du cabinet d'audit PricewaterhouseCoopers (PwC). Pour tenter de tordre le cou à ces pratiques, le gouvernement britannique travaille actuellement sur l'introduction d'un impôt sur les bénéfices détournés. Dès le 1er avril 2015, les profits réalisés et détournés par les grandes entreprises vers d'autres pays devraient être taxés à 25%.