Conseil en investissement

CONSEIL EN INVESTISSEMENT

 

 

Bruno Patusi* et Pascal Grange** dans "Le Temps" Suisse du 3 mars 2015 Article intitulé : Les banques doivent fortement augmenter la part des honoraires
 
" La spirale de la baisse des recettes et des marges doit cesser. Parmi tous les actifs actuellement sous gestion, seule une petite partie est détenue sous forme de mandats discrétionnaires ou de conseil en placement Le conseil en investissement est confronté à de nouveaux défis. L’incertitude s’est accrue. Les marchés sont plus volatils, les taux d’intérêt très bas et les tensions géopolitiques très fortes. Les banques doivent trouver de nouvelles idées pour regagner la confiance des clients. Le secteur est confronté à un vrai changement de paradigme – et le conseil en investissement ne fait pas exception. Pour comprendre la nouvelle réalité, il faut comprendre les clients. Beaucoup préfèrent garder leurs liquidités sur leurs comptes bancaires. Depuis la crise financière, en moyenne 20 à 25% des actifs ont été détenus en actifs liquides – soit trois fois plus qu’avant la crise. La situation est également caractérisée par la chute brutale des volumes de transactions d’actions, de produits structurés et de placements alternatifs, auxquels s’ajoute un accroissement de la demande d’ETF. Les investisseurs se tournent vers des produits à bas coût, liquides et à gestion passive, comme s’ils n’avaient plus confiance en la capacité des banques à faire mieux que les marchés. La technologie et la numérisation accélèrent également le changement. Les clients s’attendent maintenant à une expérience de conseil complètement différente, quel que soit le canal utilisé. Le cadre légal et réglementaire plus strict est également un facteur majeur qui conditionne la nouvelle réalité. La vague de réglementations issue de la crise financière continue sans relâche et inonde le secteur bancaire de questions complexes à traiter au fur et à mesure. Ce qui est particulièrement pertinent du point de vue du conseil en investissement, ce sont les réglementations conçues pour renforcer la protection des investisseurs et améliorer la transparence. De nombreux débats réglementaires actuels tournent autour du thème des rétrocessions. Peu importe le résultat, le marché est en pleine mutation. Tous les changements décrits ont un impact direct sur les revenus des banques. Les courtages et les honoraires sont en baisse; les recettes liées aux transactions, à elles seules, ont chuté de 20 à 30% depuis la crise financière. Avec la fin annoncée des rétrocessions, les banques sont confrontées à un vrai défi. Du point de vue des banques, la réponse est claire: la spirale de la baisse des recettes et des marges doit cesser. Parmi tous les actifs actuellement sous gestion, seule une petite partie est détenue sous forme de mandats discrétionnaires ou de conseil en placement: la très grande majorité (environ 80%) est gérée sans contrat. Ces clients ont tout de même accès aux conseils, mais ne les paient pas directement. Ceci doit changer. Si les banques veulent mettre un terme à la tendance négative, elles doivent considérablement augmenter les mandats reposant sur des honoraires. L’objectif à long terme devrait être de 60% – un chiffre ambitieux. Ce n’est qu’en ajustant la proposition de valeur ajoutée que les banques y parviendront.
Les recommandations de placement sur mesure continueront à constituer la base de l’activité. Les services après-vente commencent à faire partie des conseils en placement, dans le sens où les clients font leurs choix en fonction de leurs préférences. Ils définissent le degré d’interaction qu’ils souhaitent et optent pour leur mode de contact privilégié – direct ou électronique.
Dans la période actuelle de changement, la technologie est le facteur décisif en ce qui concerne la concurrence. L’ère numérique crée également de nouvelles demandes. Utilisée correctement, la technologie innovante aidera les banques à faire participer les clients davantage au processus d’investissement. Les banques doivent repenser la manière dont elles interagissent avec la clientèle en général. Les clients doivent avoir accès aux mêmes informations que les conseillers à la clientèle, dans la mesure du possible, afin que les discussions soient menées sur un pied d’égalité. Si les banques souhaitent faire ce lien avec le monde numérique, c’est là le seul moyen d’y parvenir.
Cette nouvelle priorité du conseil en placement impliquera des changements radicaux également pour les conseillers à la clientèle. Les conseils sur mesure perdront en importance. Il en ira de même pour la capacité à influencer personnellement les décisions de placement. Plutôt que de rechercher des sujets ou des opportunités de marchés intéressants pour obtenir des performances supérieures à la moyenne, le conseiller de demain comptera sur le soutien de spécialistes.
Les banques n’auront pas d’autre choix que de créer et de fournir une expérience client améliorée. La majorité des clients souhaitent des conseils en placement de haute qualité et sont prêts à payer pour les obtenir. Cela aidera non seulement les banques à maintenir leur base de revenus, mais les clients en tireront également parti car ils bénéficieront ainsi d’une offre plus complète, d’une transparence accrue et de solutions sur mesure.
* Partner responsable «Wealth & Asset Management» chez EY Suisse
** Partner responsable du pôle de compétences Banque Privée de EY à Genève