Liberté

LIBERTE

Damien Theillier dans "La Tribune" du 20 mai 2015 Article intitulé : Loi sur le renseignement : l'acte de naissance d'une police politique ?

" S'inspirant directement de "l'exemple" américain, le gouvernement a fait approuver par le parlement une loi sur le renseignement dangereusement liberticide. Par Damien Theillier, président de l'Institut Coppet* Vous êtes suspecté en permanence de terrorisme. Oui, même si vous êtes une mère de famille postant les photos de son dernier gâteau au chocolat. Votre vie privée est dorénavant sous coupe réglée. Les sbires de l'État y accèdent quand ils le souhaitent.
En effet, le 5 mai, les députés ont voté massivement le texte N°2669 intitulé « projet de loi sur le renseignement ». Manuel Valls assure que la loi s'appliquera uniquement dans le cadre de la lutte antiterroriste : « La surveillance sera ciblée strictement sur les comportements menaçants. Les données tierces ne seront pas accessibles ou exploitables par les services. » Mais ne sera-t-elle pas également appliquée pour d'autres cas, par exemple contre l'activisme politique ? Vous pensez que je délire, que je suis paranoïaque ? Regardons plutôt ce qui s'est passé de l'autre côté de l'Atlantique.
Le cas américain préfigure ce qui nous attend en France
Les révélations d'Edward Snowden sur la NSA ont dévoilé l'ampleur des atteintes aux libertés. Le programme Prism, permet à la NSA d'avoir un accès privilégié aux serveurs et aux données de neuf géants de l'Internet, parmi lesquels Google, Microsoft, Facebook et Yahoo. Dans le sillage du 11 septembre 2001 et de la menace terroriste persistante, le gouvernement américain a mis en place le « USA Patriot Act », sous Bush Jr., ainsi que d'autres nouvelles lois et décrets anti-terroristes sous Obama. Conformément à l'article 207 (III) du Patriot Act, le gouvernement fédéral peut espionner tous les appels téléphoniques, fax et e-mail à volonté - sans mandat de perquisition.
Sur simple demande du gouvernement...
Les fournisseurs de services Internet doivent retourner les dossiers de courrier électronique et leurs informations sur la clientèle sur simple demande du gouvernement. Les compagnies de téléphone doivent également remettre des enregistrements téléphoniques détaillés, y compris les numéros de carte de crédit ou de comptes bancaires utilisés pour les paiements. Récemment, le FBI a développé un nouveau logiciel appelé « lanterne magique » qui permet d'enregistrer chaque frappe faite sur un ordinateur.
Aux Etats-Unis, pas plus de sécurité, mais moins de liberté
Depuis, surveillance universelle, saisies de biens arbitraires, emprisonnements sans procès et arrestations sommaires de « suspects » sont devenus des pratiques courantes. Des pratiques qu'on croyait pourtant révolues depuis l'Allemagne nazie et la Russie soviétique. De telles violations des libertés et de la vie privée ont-elles leur place dans une société libre et civilisée et font-elles de l'Amérique un pays plus sûr ? Les attentats de Boston n'ont pu être empêchés malgré la surveillance généralisée par les agences gouvernementales. Pire : le gouvernement américain s'est octroyé le droit d'utiliser la loi hors du cadre du terrorisme. En 2013, sur les 11.129 demandes de perquisitions sur la base du Patriot Act, seules 51 visaient des suspects d'actes terroristes. Le plus de sécurité s'est donc soldé par moins de liberté.
Une frontière de plus en plus floue entre groupe terroriste et opposition politique
Plus grave encore, la frontière qui sépare le groupe terroriste de l'opposition politique s'estompe progressivement. Le pouvoir se limite rarement à un objectif déclaré et c'est ainsi que la définition des groupes terroristes potentiels a été élargie pour inclure des groupes comme le Tea Party. En 2011, le vice-président Joe Biden a accusé le Tea Party d'avoir « agi comme des terroristes » dans leur combat contre le relèvement du plafond de la dette. Or quelques mois plus tard, l'IRS, le département du fisc américain (Internal Revenue Service), a pris pour cible les membres du Tea PartyPatriot. L'affaire a été révélée au grand jour et a mis dans l'embarras Obama et le parti démocrate. 
Selon Jenny Beth Martin, co-fondatrice du mouvement Tea Party Patriot, environ 1 pour cent des contribuables américains ont été contrôlés chaque année par l'IRS, tandis que 10 pour cent de ceux qui ont donné de l'argent à des groupes Tea Party ont été contrôlés depuis 2011.
Sans vie privée, il n'est point de libertés
En France, les terroristes Merah et Kouachi-Coulibaly étaient surveillés. Pourtant, ils ont pu arriver à leurs fins. C'est pourquoi on peut douter que les outils mis en place par la nouvelle loi, permettant d'écouter toute la population française, parviendront mieux à déjouer des attentats.
Mais le pire n'est pas là. En effet la sécurité totale (risque zéro) n'est ni possible, ni souhaitable car protéger la liberté en supprimant la liberté est un non-sens, une contradiction. La liberté est plus précieuse que la sécurité. En effet, la liberté n'est pas définie par la sécurité. La liberté est définie par la capacité des citoyens à vivre sans subir l'interférence du gouvernement dans leur vie privée. Or une sécurité totale ne pourrait être mise en place sans un contrôle total sur la vie des citoyens. Seule une société totalitaire pourrait se vanter d'apporter la sécurité totale à son peuple. C'est pourquoi, le gouvernement ne peut pas nous protéger contre toute forme de violence. Il ne doit pas non plus nous protéger à n'importe quel prix.
La fin du domaine privé
Enfin, en perdant l'anonymat, nous perdons notre capacité d'action, nous perdons la liberté elle-même car on ne se sent plus libre d'exprimer ce qu'on pense. Glenn Greenwald, est le journaliste américain qui a travaillé avec Edward Snowden pour révéler le scandale des écoutes de la NSA. Dans un livre consacré à cette affaire, il écrit : « la vie privée est essentielle à la liberté et au bonheur des hommes pour des raisons rarement abordées, mais qui sont pourtant irréfutables. Premièrement, quand les individus se savent observés, ils changent radicalement de comportement. Ils s'efforcent de faire ce qu'on attend d'eux. Ils veulent s'éviter toute honte et toute condamnation. Ils y parviennent en adhérant étroitement aux pratiques sociales couramment admises, en se cantonnant dans des limites acceptées, en évitant toute action susceptible de paraître déviante ou anormale. (...) C'est dans le domaine privé que la créativité, le dissentiment et les défis à l'orthodoxie peuvent germer. Une société où tout le monde sait qu'il peut être observé par l'État - où, dans les faits, le domaine privé n'existe plus - est une société où ces attributs sont perdus, tant au niveau collectif qu'individuel. » (Nulle part où se cacher, J.-C. Lattès, mai 2014).
Comment le gouvernement donne raison à Ben Laden...
En octobre 2001, Oussama Ben Laden avait fait une prédiction : « Je vous le dis, la liberté et les droits humains en Amérique sont condamnés. Le gouvernement américain va conduire son peuple, et l'Occident en général, dans un enfer insupportable et une vie étouffante. » (cité dans NewsMax.com 01/02/02).
En permettant au gouvernement de détruire les libertés au nom de la lutte contre le terrorisme, nous donnons pleinement raison à Ben Laden.
(*) Damien Theillier est le président fondateur de l'Institut Coppet. Ce think tank remet au goût du jour la tradition économique française.

 Dans "Trends Tendances" du 2 mai 2015 Article intitulé :  Des fonctionnaires du fisc téléguidés par la Sûreté de l'Etat ?

" Selon Karel Anthonissen, directeur à l'Inspection spéciale des impôts (ISI), la Sûreté de l'Etat pousse en cachette des fonctionnaires du fisc à mener des contrôles auprès de citoyens ou d'entreprises, rapporte L'Echo samedi. Les faits remontent peu après sa nomination en 2007. "On m'a demandé de rechercher certaines choses précises pour le service de renseignement", affirme-t-il. Anthonissen dit avoir répondu que c'était illégal. "Ils ont essayé de me convaincre en me disant que personne ne le saurait", ajoute-t-il. "Avec moi, ça n'a pas marché, mais je suis sûr que certains fonctionnaires du fisc y ont consenti". Après les révélations contenues dans le livre "Les secrets de la Sûreté de l'Etat", la Commission de la chambre qui supervise les services de renseignement doit demander des explications mercredi au Comité I, l'organe de contrôle, sur la manière dont la Sûreté recrute des informateurs, les paie et les pousse à des pratiques illégales.'

Commentaire : Etant Belge, je ne peux qu'être dégouté devant les comportements d'une telle flicaille. Flicaille qui en son temps a été une flicaille nazie. Honte à ces pourris.

Réapprenons l'amour de la LIBERTE à nos enfants et la devise Ardennaise "Résiste et mords. De la gueule et du cran."

  Yves Thréard dans "Le Figaro" du 3 mai 2015 Article intitulé : Pierre-Olivier Sur : «Ce projet de loi est un mensonge d'État»
  
" INTERVIEW - Le bâtonnier du barreau de Paris, très critique à l'égard du projet de loi relatif au renseignement, regrette que les professionnels du droit et les praticiens de la justice n'aient pas été consultés.
Selon le bâtonnier de Paris, le projet de loi relatif au renseignement mettra les Français sous «surveillance généralisée». Le fait que les procédures ne soient soumises à aucun contrôle de l'autorité judiciaire, ajoute-t-il, est la porte ouverte à l'arbitraire et aux abus.
LE FIGARO. - Pourquoi critiquez-vous le projet de loi sur le renseignement?
Pierre-Olivier SUR. - Ce projet de loi est un mensonge d'État. Le président de la République l'a présenté lui-même récemment à la télévision comme un texte essentiel pour lutter contre le terrorisme, alors qu'il va s'appliquer bien au-delà, à beaucoup d'autres domaines. Ce projet menace gravement les libertés publiques. Sous couvert de prévention des «violences collectives de nature à porter atteinte à la sécurité nationale», va-t-on remettre en ... Cet article étant payant, pour la suite voir Le Figaro.

Charles Sannat dans "Economie matin" du 27 avril 2015 Article intitulé : La démocratie en Europe, une vaste plaisanterie...

" Je vous dis régulièrement que nous faisons face à un mouvement mondial de réduction des libertés individuelles, que nous assistons à un recul sans précédent de la démocratie.
Vous le voyez en France où, sous couvert de lutte légitime contre le terrorisme, on cherche en réalité à encadrer et à terroriser le citoyen un peu pétochard qui « n’a rien à se reprocher ou si peu » plus qu’à nous protéger des méchants vilains. Pourquoi peut-on affirmer cela ? Pour une raison très simple. Si les paiements en espèces sont prohibés au-delà de 1 000 euros pour un résident fiscal français, ils restent autorisés jusqu’à 10 000 euros par transaction pour un non-résident fiscal. On se fiche donc ostensiblement aussi bien du financement des filières terroristes que de notre protection. Non, ce qui compte c’est bien évidemment la répression financière, la répression fiscale. Le fait que personne ne puisse échapper à l’État.
Ne soyons pas naïfs, c’est évidemment pour notre bien. Aucune politique de réduction des libertés ne saurait être acceptée par les populations si c’était pour réduire leur liberté. Alors on vous explique que c’est pour votre bien, que c’est pour lutter contre les vilains terroristes ou encore contre les très vilains fraudeurs fiscaux sans doute comme Thévenoud – dont plus personne ne parle mais qui siège toujours sur les bancs bien socialos et bien-pensants de notre gôche moralisatrice pour les autres et nettement moins pour elle-même.
Une justification idéologique évidente : construire l’Europe, augmenter la productivité, globaliser l’économie
Vous devez comprendre, mes chers amis, que lorsque l’on veut construire une Europe des multinationales qui n’a rien à voir avec l’Europe de la paix et de l’amour universel entre les peuples, la démocratie comme l’a si bien dit le ministre allemand de l’Économie c’est assez pénible.
Lorsque l’on veut avancer dans une mondialisation qui n’arrange que les multinationales et les méga-riches et dont personne ne veut, les libertés individuelles ce n’est pas très pratique.
Lorsque l’on veut vous réduire vos « acquis sociaux », vos 35 heures, vos machins formation, ou encore votre sécu ou augmenter le prix des soins, vous laisser protester c’est assez difficile à supporter.
Lorsque l’on veut vous rendre compétitif face à un petit Chinois des champs ou même des villes payé au mieux 500 euros par mois pour les plus chers mais généralement 90 dollars et 10 bols de riz pour la grande masse, enrégimenté et qui n’a pas le droit de grève mais le droit de crève, ce qui n’est pas du tout pareil, les syndicats européens, le droit du travail ou le code du même travail sera toujours trop épais pour un capitaliste exploiteur ne voulant au mieux que vous donner ce que Marx appelait déjà un salaire de « subsistance ».
L’excellence du modèle chinois
Alors face à tout cela, face à cette compétition mondiale, c’est la Chine qui a prouvé l’excellence de son modèle. D’ailleurs, la conclusion intellectuelle c’est qu’il n’y a aucune façon de lutter contre l’efficacité du modèle chinois dans une économie mondiale globale et ouverte sans adopter les mêmes techniques ou sans changer les règles, c’est-à-dire sans fermer l’économie.
Le modèle chinois c’est une dictature politique, avec un parti unique qui n’a rien d’une démocratie, avec la peine de mort pour les vilains y compris ceux qui sont juste pas d’accord avec les mamamouchis de là-bas. C’est l’absence presque totale de droit social ou de droit de grève ou même de droit tout court puisque l’une des plus jeunes professions en Chine c’est… avocat !
Bon, le temps de travail on s’en fiche, le salaire minimum aussi, les normes de sécurité… itou, bref, un paradis pour capitaliste la dictature communiste et c’est ainsi que la boucle fut bouclée et que de l’affrontement entre le capitalisme et le communisme sortit vainqueur non pas le capitalisme, comme tout le monde le pense depuis la chute de l’URSS et l’effondrement du mur de Berlin, mais un nouveau système à l’efficience redoutable, l’hybride mis au point par la Chine que j’appelle le « Co-capitalisme ». Tous les attributs de la dictature communiste mis à la disposition du capital pour produire au meilleur coût et avec la plus grande des efficacités. La seule liberté laissée au peuple étant la liberté de consommer, qui était d’ailleurs absente du monde communiste et qui fut l’une des principales causes de l’échec du système communiste.
Les peuples se fichent pas mal de leur propre liberté. Il leur faut simplement, depuis l’antiquité, du pain et des jeux. La version moderne c’est la télé-réalité et la consommation. L’hyper-consommation. Celle qui abrutit et lobotomise les masses laborieuses.
Alors pour nous adapter à ce nouveau monde, nous devons non pas refuser ce nouveau monde, protéger nos valeurs ou encore nos libertés, nous n’avons pas le droit de penser ou d’imaginer d’autres chemins (sans être taxés de tous les termes euthanasiant la pensée).
Non il n’y a « pas d’alternative », vous dira Macron. « Il faut bien accepter de réduire vos libertés », a ainsi déclaré il y a quelques jours Nicolas Sarkozy dans une confession d’une rare honnêteté et laissant apparaître au grand jour le grand mobile des « réformes » en cours qui, loin d’être uniquement économiques, concernent également chaque jour vos libertés futures et celles que vous laisserez à vos enfants.
Comme je vous le disais, ce mouvement est mondial, il est aussi européen.
Tollé au Portugal face au retour de la censure
Ainsi cet article d’Euronews, qui est loin d’être un organe de presse fasciste, explique que c’est la « bronca des médias au Portugal face au spectre du retour de la censure ».
Un nouveau texte de loi est en discussion pour que les médias soumettent leur plan de couverture du scrutin à la commission électorale et à l’entité de régulation des médias portugais.
Il est également demandé aux journalistes de s’abstenir « de tout commentaire ou jugement de valeur »… ce qui revient à dire qu’en période électorale, le droit à la liberté d’expression – qui est l’un des attributs d’un régime dit démocratique – serait suspendu le temps de la campagne puisqu’il ne pourrait plus y avoir aussi bien commentaires que jugements de valeur…
Vous imaginez à quel point les peuples honnissent désormais leurs dirigeants pour que ces derniers passent ce type de lois, ou encore à quel point ils veulent vous faire avaler de futures couleuvres pour vous empêcher ainsi tout droit de protestation ?
Inutile de vous dire qu’avec une telle loi, il serait impossible d’écrire ce simple billet, oui ce simple article que vous êtes en train de lire. Il est rempli de commentaires et de jugements de valeurs que vous avez d’ailleurs parfaitement le droit de rejeter, de combattre ou d’approuver. D’ailleurs, cela porte le nom d’édito.
Uniquement le droit de dire oui, uniquement le droit de dépenser, uniquement le droit d’acheter des actions…
Je ne sais pas combien de temps durera le crépuscule de ce monde. Ce que je sais c’est qu’il est condamné comme l’était l’URSS car ces systèmes sont devenus fous.
Si vous regardez avec objectivité, la politique des banques centrales n’amène qu’à une obligation d’acheter des actions… puisque cela ne baisse jamais.
Cela est une obligation à utiliser votre épargne et donc à consommer puisque les taux d’intérêt sont à zéro et seront bientôt négatifs, ce qui est la négation de la définition d’une monnaie qui doit être capable de conserver de la valeur dans le temps.
Politiquement, vous n’aurez prochainement que le droit de dire oui. Pour le reste, si vous dites non, vous serez au choix un terroriste, un fasciste, un anarchiste, un criminel, un délinquant ou un individu relevant de la psychiatrie. C’est génial la psychiatrie. Un simple préfet peut vous enfermer sans procès directement en institution sans recours, sans tambour ni trompette. D’ailleurs, l’ex-URSS affectionnait particulièrement ses psychiatres.

  Michel Cabirol dans "La Tribune" du 2 avril 2015 Article intitulé : Quand le "gendarme" des écoutes fusille la loi sur le renseignement de Valls

" C'est une alerte très, très sérieuse pour le Premier ministre, Manuel Valls. Car la voix qui s'élève aujourd'hui contre les futures dérives du projet de loi sur le renseignement n'est autre que celle du président de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS) Jean-Marie Delarue, qui connait intimement les us et coutumes des services. Donc loin d'être un "dangereux libertaire". Manuel Valls ne pourra pas dire qu'il ne savait pas d'autant que le gouvernement a consulté les conclusions de la CNCIS sur ce projet de loi.
Tout est résumé dans cette phrase terrible : "pour fréquenter les services depuis des années, je sais que ces gens font un métier formidable et difficile, mais aussi que le principe de véracité n'est pas ce qu'ils apprennent en priorité", a-t-il expliqué aux députés de la commission de la Défense, dont certains se sont montrés très irrités par l'exercice de vérité auquel ils ne s'attendaient vraiment pas de la part du président de la CNCIS. Face à des élus du peuple réticents à évoquer les libertés individuelles, Jean-Marie Delarue s'est dit "préoccupé" par ce ce projet de loi.
De la pêche à la ligne à la pêche au chalut
Qu'est-ce qui chatouille Jean-Marie Delarue? "Il faudra veiller à l'équilibre entre les nécessités des services de renseignement et les droits individuels. Cet équilibre doit être respecté de tout temps", a-t-il rappelé aux députés. Or à l'écouter, ce n'est plus le cas, les services ont semble-t-il remporté la bataille.Et selon lui, les services sont passés de la pêche à la ligne à la pêche au chalut en matière de collectes de renseignements."Nous sommes bien dans la pêche au chalut chère aux Américains", a-t-il averti.  Car a-t-il estimé "dans le projet de loi, aucune disposition ne prévoit un tri entre les mauvaises données et les bonnes". Et ce contrairement aux déclarations rassurantes de Manuel Valls lors de la présentation du projet de loi le 19 mars dernier.
Il s'est engagé "solennellement" à ce que ce projet de loi ne soit "en aucun cas" la mise en œuvre "de moyen d'exception ou une surveillance généralisée des citoyens".
Or, avec quelques exemples de surveillance, Jean-Marie Delarue démonte les propos rassurants de Manuel Valls. Les services de renseignement pourront "utiliser des dispositifs mobiles de proximité pouvant capter, dans un rayon de l'ordre de 500 mètres à un kilomètre, les données de connexion de téléphones et aussi, en cas de terrorisme, les communications elles-mêmes. Supposez qu'un instrument de cette nature soit placé à la gare du Nord où ont transité 190 millions de personnes en 2008. Même en tenant compte du fait qu'il y a des voyageurs réguliers, cette surveillance concernerait un grand nombre de gens...".
Autre exemple : "L'article L. 851-6, il prévoit l'analyse de tout ce qui passe par le réseau d'un opérateur qui couvre des millions de communications. Nul besoin d'épiloguer. L'accumulation supposée admise de ces données nécessitera un tri pour éliminer celles qui sont inutiles à l'enquête et qui peuvent représenter 99,9 % du total. Dans quelles conditions va-t-on éliminer puis détruire ces données inutiles ? L'article L. 822-2 prévoit des délais de conservation très substantiels allant jusqu'à cinq ans pour les données de connexion".
Comment vérifier la sincérité des services
Aujourd'hui, l'actuelle CNCIS, qui va être remplacée par la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR), a sa disposition "tous les produits des écoutes, qu'il s'agisse d'enregistrements ou de transcriptions". Et Jean-Marie Delarue de rappeler qu'à "tout moment, il nous est loisible de savoir ce que font les services de l'écoute autorisée. Nous pouvons ainsi savoir si le service remplit les conditions qui lui ont été fixées ou s'il s'en écarte, par exemple en dépassant un délai". Ce qui est une question de bon sens notamment dans le cadre d'un éventuel renouvellement d'interceptions de sécurité sur une personne suspecte. "C'est pour nous la seule manière de vérifier la sincérité des services", a-t-il expliqué.
Et de donner un exemple : "l'autre jour, on nous a soumis une demande motivée par le fait que la personne surveillée se documentait sur les méthodes de torture. En fait, à l'écoute des transcriptions, nous avons entendu l'un des interlocuteurs de cette personne parler des tortures mentionnées dans un livre sur la guerre de 1914-1918 qu'il était en train de lire. C'est un cas d'excès mais les services peuvent pécher par retrait en ne nous disant pas tout ce qu'il faudrait nous dire. Cet accès au contenu des enregistrements et aux transcriptions nous permet donc d'avoir une vue de ce qui se passe mais aussi de la sincérité des services, et c'est très important".
Or, avec la nouvelle loi, ce ne sera plus le cas d'autant comme l'a rappelé Jean-Marie Delarue "tout cela n'aurait peut-être pas trop de conséquences si le contrôle ne se trouvait pas un peu dépourvu". Le président de la CNCIS a notamment besoin de techniciens. Car il estime que "la CNCTR ne sera pas en état de contrôler les dispositifs techniques employés par les services".
C'est d'ailleurs le cas aujourd'hui comme l'a révélé le président de la CNCIS : "L'un des services de ce pays dispose de moyens informatiques extrêmement puissants. J'en suis ravi. Mais lorsque nous allons voir ses instruments, notre intervention relève plus de la contemplation que de l'investigation. Si je dis à ce service que j'ai besoin d'aller voir ce qu'il fait, il va me bâtir un logiciel pour répondre à ma demande. Comment vérifier que ce logiciel répond effectivement à ma demande ?"
Et demain? "On nous annonce que des algorithmes capables de trier les données et de permettre de repérer les personnes ciblées pourront être placés sur les réseaux d'opérateurs. En l'état, faute de disposer de la très forte technicité en informatique nécessaire, je suis incapable de dire si ces algorithmes correspondent effectivement à ce que le service va m'affirmer. Sans compter que pour entrer dans le système mis en place, le service devra me donner lui-même les instruments qui me permettront de le contrôler. Le problème pourra éventuellement être réglé par le recrutement, au sein de la CNCTR, d'informaticiens aux compétences très développées. Je préférerais que cela soit dit".
La CNCTR devra à la pêche aux informations
Contrairement à aujourd'hui, "la CNCTR devra donc aller à la pêche aux données dans les locaux de chaque service".  Car selon Jean-Marie Delarue, "j'ai cru comprendre que l'on n'avait pas envie de trop centraliser car ce serait très dangereux pour la sécurité des données. En réalité, il faut sécuriser les locaux. (...) À l'avenir, il faudra aller frapper poliment à la porte des services situés à Levallois-Perret ou boulevard Mortier à Paris. On nous y recevra si on veut. Dans quelles conditions et dans quels délais ?"
Actuellement, les enregistrements des transcriptions se trouvent pourtant dans les locaux de la CNCIS, qui "tire sa force du fait qu'elle voit tout et dans ses propres locaux", a insisté Jean-Marie Delarue. Ce qui lui fait dire que "vous ne donnez pas à la CNCTR les moyens d'avoir prise sur les données brutes du contrôle, vous bâtissez un colosse aux pieds d'argile. Étant un peu expert en matière de contrôle depuis quelques années, je me permets de vous le dire. Si le contrôleur n'a pas accès aux données, il ne contrôlera que ce que l'on voudra bien lui donner et qui ne correspondra pas à la réalité".
 L'anonymat sera-t-elle une garantie pour les citoyens?
Même l'anonymat censé garantir la protection des libertés individuelles ne trouvent pas grâce aux yeux de Jean-Marie Delarue : "l'anonymat offre une garantie au stade de la collecte des données de connexion d'une masse considérable de gens. Une fois identifiés les numéros de téléphone composés par des terroristes, les personnes appelées seront supposées être elles-mêmes des terroristes. L'anonymat pourra alors être levé sur décision du Premier ministre et gageons qu'un service un peu insistant saura le convaincre". Une façon de dire que les hommes politiques sont perméables aux demandes des services.
"L'anonymat devient le seul moyen de protéger les libertés individuelles dans un contexte où nous sommes passés à la pratique de la pêche au chalut : nous lançons le filet sans connaître la personne recherchée alors que la pêche à la ligne vise un individu soupçonné, à bon droit ou par erreur, de préparer une action extrêmement grave.