Exploitation Humaine

EXPLOITATION HUMAINE

 

  Bertille Bayart, Jean-Yves Guerin dans "Le Figaro" du 1 avril 2015 Article intitulé : Vinci: Xavier Huillard réfute les accusations d'«esclavage»
  
" Le groupe de BTP fait l'objet d'une vive polémique depuis l'annonce par l'ONG Sherpa d'un dépôt de plainte, l'accusant de pratiques quasi-esclavagistes sur les chantiers de la Coupe du monde de football 2022 au Qatar. Le PDG de Vinci répond à cette charge. Entretien exclusif.
L'association Sherpa a annoncé porter plainte contre Vinci pour travail forcé et réduction en servitude au Qatar. Comment réagissez-vous face à cette démarche?
Xavier HUILLARD. - C'est une attaque d'une violence inouïe. Je regrette profondément que Vinci ait ainsi été stigmatisé. On cherche à ériger notre groupe en symbole, avec l'objectif, évident et assumé, de peser dans le débat au moment où l'Assemblée nationale a examiné la proposition de loi sur «le devoir de vigilance» des entreprises. Nous avons été tout simplement instrumentalisés, à tort, et dans un but politique. Cette annonce par cette ONG nous a donc émus, indignés même. Moi le premier, mais j'ai le cuir épais. Mais ce sont aussi les 180.000 collaborateurs de Vinci qui se sont sentis visés. C'est en leur nom et pour ces raisons que nous avons porté plainte pour diffamation.
Que répondez-vous aux accusations de Sherpa? L'ONG vous reproche notamment de «confisquer» les passeports de travailleurs immigrés au Qatar…
Je condamne le procédé, qui inverse la charge de la preuve, et veut nous contraindre à nous défendre face à des critiques dénuées de tout fondement, et dont nous ne connaissons pas les détails. Nous ne savons rien d'autre de cette plainte - ni même si elle existe vraiment - que ce que la presse en a relaté. «Calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose»… Mais nous pouvons répondre. Au Qatar, nous avons des milliers de collaborateurs népalais, sri lankais, indiens, qui vivent dans des conditions qui sont aux meilleurs standards. Dans notre nouvelle «base-vie», ils sont logés dans des chambres climatisées de quatre personnes au plus. Des chambres qui sont dotées de coffres forts pour conserver leurs effets personnels et leurs passeports. Avant que cette installation ne soit opérationnelle, c'est-à-dire jusqu'au début de cette année, nous conservions effectivement les passeports de ces travailleurs. Mais pas sous la contrainte! Franchement, vous nous imaginez en train de confisquer ces passeports, comme des esclavagistes. Cela n'a pas de sens! Leurs titulaires nous les confiaient volontairement, en signant une décharge dans leur langue, pour ne pas prendre le risque de vol ou de destruction. Des mésaventures qui étaient déjà arrivées. Ils pouvaient bien sûr les récupérer à tout moment.
Êtes-vous aussi certain que vos sous-traitants respectent les règles?
Je ne peux m'engager à 100% que sur ce qui passe dans mon entreprise et sur mes chantiers. Là, nos sous-traitants doivent respecter nos règles. Hors de l'enceinte du chantier, les choses sont évidemment plus difficiles à maîtriser et à contrôler. Mais nous avons pris des mesures en ce sens. Nous limitons à deux «étages» la chaîne de sous-traitance. Nous avons inséré des clauses sociales exigeantes dans nos contrats. Il y a un an, nous avons fait réaliser un audit qui nous a conduits à «blacklister» une dizaine de prestataires."

François Leclerc dans "Trends Tendances" Belgique du 12 mars 2015 Article intitulé : "Travaille plus vite ou dégage": le quotidien des usines textiles au Cambodge

" Heures supplémentaires non payées, pression constante, rythmes de production impossibles à tenir et discriminations perpétuelles: voici les conclusions d'un rapport accablant publié mercredi par Human Rights Watch. Voyage dans les coulisses des usines de textile cambodgiennes. Pour ce rapport de 140 pages intitulé "'Work Faster or Get Out': Labor Rights Abuses in Cambodia's Garment Industry", Human Rights Watch a passé au crible 73 usines. Des usines dans lesquelles l'organisation a constaté des conditions de travail déplorables. Les ouvriers interrogés parlent notamment de cadences et de quotas insoutenables. "On devait faire des heures supplémentaires. On ne pouvait pas dire non", confie un travailleur d'usine. "Même quand on allait aux toilettes, ils nous pressaient de revenir". Pas de pause, des journées souvent très longues, les salariés n'ont d'autre choix que d'accepter, au vu des pressions qu'ils subissent. Si ils refusent, les gérants de l'usine réduisent leur salaire, ou les mettent à la porte : un licenciement facilité par le recours systématiques à des contrats courts. Les petites mains de l'industrie textile au Cambodge ne connaissent pas le contrat longue durée, et c'est bien là le problème. Ils sont embauchés pour quelques mois, renouvelables ou non, selon le bon vouloir du patron.
Les femmes, premières victimes des abus des dirigeants
Les femmes sont particulièrement touchées, victimes de nombreuses discriminations. Mieux vaut ne pas être enceinte par exemple. Preap Vanna (pseudonyme), employée au ventre arrondi dans l'une de ces usines, raconte : "les managers m'appelaient au bureau et me criaient 'si tu es enceinte et que tu n'es pas capable de travailler alors tu devrais démissionner'. Ils m'appellent presque tous les jours".
Dans ces usines de sous-traitance sont fabriqués des produits destinés à de grandes marques internationales, comme H&M ou Gap.
Une loi stricte, mais une application en demie-teinte
Selon Aruna Kashyap, membre de Human Rights Watch, ces conditions de travail très dures ne seraient pas dues à une quelconque faille dans la loi cambodgienne, au contraire assez développée sur le sujet. Mais si théoriquement tout semble fonctionner, en pratique, la situation serait toute autre. Les inspecteurs du travail seraient depuis longtemps sujets à des dysfonctionnements. "Ils n'ont pas vraiment utilisé leurs pouvoirs pour appliquer la loi, et les entreprises n'ont pas été inquiétées parce qu'elles ne respectaient pas cette loi du travail", nous dit Aruna Kashyap. "Le gouvernement cambodgien assure qu'il prend très au sérieux les violations, poursuit-elle, mais les antécédents montrent qu'il y a une certaine négligence". Si la spécialiste a pu observer quelques timides améliorations l'an dernier, comme une hausse du nombre d'usines amendées, elle assure que d'autres réformes seraient nécessaires pour protéger les travailleurs.
Face à l'inactivité relative de l'Etat, les travailleurs tentent de faire entendre leur voix à travers les réseaux syndicalistes. En vain. Les responsables des usines, comme l'explique Aruna Kashyap, "utilisent tout un panel de stratégies anti-syndicats". Menaces ou pots de vin, tous les moyens sont bons pour pousser les leaders fraîchement élus à la démission. Pour éviter que d'autres ne développent ce goût de la rébellion, ils proposent des contrats de plus en plus courts. Les employés n'ont ainsi même plus le temps de se sentir engagés, de bâtir un esprit d'équipe.
Armani, Adidas, H&M, Gap, Marks and Spencer ou encore Joe Fresh démasquées
Dans ces conditions, difficile pour les travailleurs de faire valoir leurs droits. A moins que les entreprises qui sous-traitent leur production à ces usines ne fassent pression. D'après Aruna Kashyap, il est très difficile de dire précisemment qui sont les 200 et quelques marques concernées, car celles-ci communiquent rarement le nom de leurs fournisseurs. Certaines, démasquées, ont été nommées dans le rapport : Armani, Adidas, H&M, Gap, Marks and Spencer ou encore Joe Fresh.
Ces firmes ont été contactées à plusieurs reprises, comme nous l'explique Aruna Kashyap. "On leur a écrit deux séries de lettres (...) pour leur donner l'opportunité de s'engager avec nous sur la base de nos recommandations". Des copies du rapport leur ont également été envoyées avant sa publication. Pour Aruna Kashyap, la première chose que ces marques peuvent faire, c'est communiquer avec leurs fournisseurs, notamment sur "la mauvaise utilisation des contrats à court terme". Elles doivent aussi "se responsabiliser", et mettre en place des moyens efficaces à disposition des travailleurs pour que ces derniers puissent les mauvais traitements. Certaines firmes ont d'ores et déjà amorcé une tentative. C'est le cas d'Adidas, qui a introduit une clause écrite contre les mesures de rétorsion en octobre 2014. Un premier pas dont l'efficacité "reste encore à prouver". Quant au consommateur, la manière pour lui la plus efficace d'agir contre l'exploitation des travailleurs dans ces usines textile selon Aruna Kashyap, serait de "demander à toutes ces marques de rendre leur liste de fournisseurs publique". "Cela aiderait les travailleurs, les syndicats, et les avocats du travail" affirme-t-elle. Adidas et H&M ont accepté de publier ce document, tout comme Marks and Spencer s'est engagé à le faire d'ici 2016. Reste à convaincre les centaines d'autres marques restantes à faire de même..."

Marina Torre dans "Trends Tendances" Belgique du 22 janvier 2015 Article intitulé : Des jeunes blogueurs norvégiens découvrent les "usines à sueur" du Cambodge

""Que se passe-t-il quand vous envoyez trois jeunes norvégiens à l'étranger pour rencontrer les ouvriers qui cousent nos vêtements?" Le site web du journal Aftenposten a cherché une réponse à cette question dans une série documentaire-réalité en 5 épisodes diffusée fin 2014. Pendant un mois, Anniken, Frida et Ludvig ont quitté leur cocon scandinave pour travailler dans des ateliers de confection au Cambodge. Celles où certaines grandes chaînes multinationales du prêt-à-porter se ravitaillent en robes, pantalons et t-shirts à très bas prix. Ils y découvrent la vie quotidienne de ces ouvriers payés 160 dollars par mois en moyenne pour effectuer un travail répétitif dans des conditions particulièrement éprouvantes. Anniken brave l'interdit Dans le pays, l'affaire a fait du bruit après les révélations d'une participante, Anniken Jørgensen. Sur son blog, la jeune femme affirme que des membres du grand quotidien d'Oslo lui ont interdit de citer le nom d'H&M parmi les grandes marques internationales de l'industrie textile qui auraient généralement recours à ce type d'ateliers. "On nous a dit que nous n'étions pas autorisés à parler d'eux dans les médias. J'ai donc décidé que c'était exactement ce que je devais faire", écrit-elle.
La filiale H&M en Norvège a "proposé à plusieurs reprises aux blogueurs de les rencontrer pour leur parler des actions de la marque en vue de l'amélioration des conditions de travail et des salaires dans les pays de production", notamment au Cambdoge, indique à la Tribune une porte-parole de la marque. Celle-ci précise qu'une telle rencontre a eu lieu au cours de l'été. Le quotidien a, de son côté, nié avoir subi ou fait subir des pressions. Un fonds d'indemnisation pour Rana Plaza Les conditions de travail des "sweat shops" asiatiques font l'objet de dénonciations régulières de la part d'ONG, et ce depuis plusieurs années. En 2013, c'est une tragédie, l'effondrement du Rana Plaza, un immeuble du Bengladesh, qui a causé la mort de 1127 de personnes et fait plus de 2000 blessés, qui a contribué à mettre en lumière ces pratiques auprès du grand public. Un fonds d'indemnisation a depuis été créé grâce au concours du groupe Auchan, des enseignes Camaieu, Primark, Inditex, de la fondation du groupe H&M ou encore des distributeurs Walmart, El Corte Ingles.
Sur la toile francophone, belge en tête, la bande annonce de cette série sous-titrée en anglais et espagnol tourne depuis quelques heures, alors que l'émission est diffusée en Norvège dès la fin de l'année 2014.