Energie

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Dans "Le Figaro" du 4 août 2015 Article intitulé : Tchernobyl a transformé certains sols du Mercantour en «déchets radioactifs»

" Après trois décennies, les sols des Alpes portent encore les stigmates radioactifs de l'explosion du réacteur numéro 4 de la centrale soviétique, avec des taux par endroit similaires à ceux des rejets de l'industrie nucléaire. Des parcelles de sol aussi radioactives que des déchets nucléaires. De quoi prouver qu'en dépit des mensonges officiels de l'époque, le nuage de Tchernobyl ne s'est pas arrêté à la frontière de l'Hexagone. Pire, vingt-neuf ans après ce sinistre 26 avril 1986, des particules de césium 137, un isotope radioactif, contaminent encore massivement les sols de la région du Mercantour, dans les Alpes-Maritimes. Une étude menée les 5 et 6 juillet dernier par la Commission de recherche et d'information indépendantes sur la radioactivité (CRIIAD) démontre que, localement, les taux de radioactivité dépassent les 100.000 Becquerels par kilogramme (Bq/kg) de matière solide. De quoi les placer dans la catégorie «déchets nucléaires de faible activité», selon le barème Euratom de 1996.
La CRIIRAD avait démontré, par des campagnes de mesures menées entre 1996 et 1998, la présence, dans l'arc alpin - de la France à l'Autriche en passant par la Suisse et l'Italie -, d'une forte contamination des sols au césium 137 à des altitudes supérieur à 2000 mètres. Ce radio-isotope est toujours présent actuellement avec, pour les points les plus contaminés, des mesures supérieures à 10.000 voire 100.000 Bq/kg. Or, comme l'explique Bruno Chareyron, chercheur pour la CRIIAD depuis vingt-deux ans, «à partir de 10.000 Bq/kg, l'élément est considéré comme déchet radioactif. A partir de 100.000 Bq/kg, il passe dans la classe (de toxicité, ndlr) supérieure».
«Un phénomène spécifique au milieu alpin»
Si ces taux sont particulièrement alarmants et illustrent l'impact désastreux d'un accident nucléaire, il faut préciser que les zones gravement contaminées sont très localisées. L'étude du CRIIAR s'est concentrée sur une toute petite parcelle du Mercantour, où des carottages avaient déjà été réalisés par le passé. Un phénomène particulier aux zones montagnardes a contribué à accroître la radioactivité des sols de la zone. En 1986, alors que le nuage radioactif de Tchernobyl survole l'Europe, ces régions de l'arc alpin étaient enneigées. Les retombées de césium 137 se sont alors fixées sur les neiges dont l'eau a propagé le radio-isotope lors de leur fonte printanière. «L'eau des neiges ayant reçu du césium a circulé et contaminé des endroits bien particuliers», raconte Bruno Chareyron. «Ces points ont reçu une accumulation d'éléments radioactifs, initialement répartis sur une grande surface», poursuit-il. D'où une concentration très forte. «Ce phénomène est spécifique à la montagne et se retrouve en Autriche par exemple», confie le scientifique.
Ces mesures de l'accumulation de la radioactivité dans les sols ne doivent pas être confondues avec celle des taux de retombée moyens. Ainsi, ces chiffres inquiétants ne sont pas représentatifs de tout le territoire français touché par le nuage radioactif. «Dans cette zone - une bande à l'est du territoire qui va de la Corse au sud à l'Alsace au nord, les sols sont très différents, la pluviométrie au moment de la catastrophe aussi», détaille Bruno Chareyron. Par conséquent, les taux présents dans les sols varient, «de quelques dizaines de Becquerels par kilogramme à plusieurs milliers ou dizaines de milliers, voire dépassent les 100.000 sur ces points d'accumulations».
Aucune signalisation, aucun balisage
«Il suffit de bivouaquer deux ou trois heures pour être touché», avertit le chercheur, rappelant qu'en matière de radioactivité, «il n'y a pas de seuil d'innocuité». «Un seul rayonnement peut être à la base du processus complexe d'apparition d'un cancer des années plus tard. Le risque est faible mais jamais inexistant», s'inquiète Bruno Chareyron. Aussi plaide-t-il pour «surveiller les points les plus atteints ou au moins les signaler par un balisage».
La moindre des choses au vu de la passivité des autorités françaises il y a 30 ans. Bruno Chareyon invoque «un devoir de mémoire» et rappelle, qu'à l'époque, d'autres éléments radioactifs comme l'iode 131 ont engendré des maladies de la glande thyroïde chez des habitants de l'Alsace ou de la Corse. «Il faut rappeler ce mensonge de 1986 ainsi que le grave défaut de protection des populations, martèle-t-il, la France est un des seuls pays à ne pas avoir pris de mesures sanitaires.»

Ironie de l'histoire, les échantillons que la CRIIA a prélevé dans les sols devront être traités et seront ainsi transférés à l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra). Ce n'est donc qu'une fois sortie de terre que ces sols deviennent officiellement des déchets nucléaires."

Commentaire : Qui fait encore confiance aux politiques et aux fonctionnaires concernant le nucléaire ?

Antoine Sillières dans "Le Figaro" du 22 juillet 2015 Article intitulé : L'inexorable déclin du nucléaire face aux énergies renouvelables

" Un récent rapport montre que 45% de la population mondiale vit dans des pays privilégiant l'éolien et le solaire à l'énergie nucléaire. Mais les centrales thermiques représentent toujours 67,9% de la production énergétique mondiale. Des énergies dans l'ère du temps pour assainir l'air du temps. Alors que l'Assemblée nationale vote ce mercredi la loi de transition énergétique, le rapport annuel de situation de l'industrie nucléaire (WNISR) paru la semaine dernière montre une progression des énergies renouvelables. Si le nucléaire a encore progressé de 2,2% l'année dernière, malgré la fermeture de 40 réacteurs japonnais, ce rapport insiste sur son déclin. En parallèle, les énergies renouvelables, encore marginales il y a quelques années, connaissent une progression forte. Petit à petit, elles se placent en concurentes crédibles du «tout nucléaire», selon ce rapport. De nombreuses grandes puissances produisent plus d'énergie renouvelable que nucléaire. Seuls les États-Unis et la France résistent clairement à la tendance. Une résistance «culturelle» mais aussi économique du fait de la lourdeur des investissements consentis dans ce secteur. Alors que le nucléaire ne représentait que 11,7% de la production mondiale d'énergie en 2011, ce taux grimpe à 74,8% dans l'Hexagone (2012), les lobbies sont très puissants et très rémunérateurs selon un rapport du CNRS.
Par ailleurs, les grands producteurs d'énergie nucléaire revendent à leurs voisins. L'Allemagne dans le cas français. En dépit de son implantation plus ancienne, le nucléaire se fait désormais rattraper par l'éolien et le solaire. Avec l'énergie produite par les barrages hydroélectriques, la production d'énergies propres dépasse déjà celle du nucléaire en Chine, en Inde, au Japon, au Brésil au Mexique, en Allemagne, aux Pays-Bas et en Espagne. Les Allemands ont vu juste dans leur "abandon" du nucléaire pendant que les "décideurs" français "touchaient". Et dire, que la France aurait pu être en "pôle position" de ces énergies. En ce qui me concerne, je ne doute pas que dans le futur elle puisse prendre cette position lorsque les énergies renouvelables pourront "lobbyiser" à hauteur des autres "lobbyisateurs".
Ainsi, 45% de la population mondiale privilégie déjà les énergies renouvelables au nucléaire. Et les courbes laissent augurer d'une rapide inversion du rapport de force général. Même dans des pays peu réputés pour leur conscience écologique, comme la Chine où l'Inde, l'éolien produit plus d'énergie que le nucléaire. Et ce, alors même que cette progression engendre une baisse de rentabilité des centrales nucléaires et thermiques. Depuis l'an 2000 l'éolien augmente ainsi 17 fois plus vite que le nucléaire au niveau mondial. En 2014 la capacité de production éolienne et solaire de l'Union européenne était supérieure de 340 TWh à celle de 1997, année de signature du protocole de Kyoto. Dans le même temps celle du nucléaire a décliné de 47 TWh.
Domination des centrales thermiques
Toutefois, cette évolution ne s'opère que sur une faible parcelle de la production mondiale d'énergie puisque les centrales thermiques (charbon, gaz et pétrole) demeurent largement dominantes, notamment en Chine. Elles représentent 67,9% de la production énergétique mondiale. Certes l'impact environnemental à long terme de ces centrales thermiques n'a rien de comparable avec la toxicité des déchets nucléaires mais leur rejets atmosphériques demeurent hautement nocifs.
Le gros oeuvre est donc encore devant. Après le nucléaire, éolien et solaire devront grapiller du terrain sur ces centrales thermiques pour réellement s'installer comme la source d'énergie du IIIe millénaire."

Pierre-Henri Thomas dans "Trends Tendances" Belgique du 22 avril 2015 Article intitulé : "Le prix du carbone doit être notre boussole"

" Le patron de GDF Suez, Gérard Mestrallet, plaide pour davantage de visibilité sur la politique de l'énergie en Europe, l'incertitude empêchant les entreprises d'investir. En particulier, il milite en faveur d'un relèvement des prix des certificats carbone et pour la constitution accélérée, dès 2017, d'une banque centrale des certificats CO2 en Europe. Mardi, pour la deuxième fois depuis la création de ce lobby, le groupe Magritte, qui réunit onze grand énergéticiens européens, avait rendez-vous avec les instances européennes dont le parlement et le vice-président de la commission en charge de l'union de l'énergie en Europe (Maros Sefcovic). Parmi ces grands patrons ambassadeurs, Gérard Mestrallet, de GDF Suez. Le groupe Magritte (qui doit son appellation au fait qu'il a donné sa première conférence de presse au Musée Magritte) né voici deux ans. "Ce groupe voulait pousser un cri d'alarme sur la politique énergétique européenne, rappelle Gérard Mestrallet. Nous allions dans le mur, en raison d'un triple échec, explique-t-il".
Triple échec
Echec sur la compétitivité d'abord : à l'époque, les prix de l'énergie montaient en Europe alors qu'ils baissaient aux Etats-Unis. Echec sur le climat, ensuite : les émissions de CO2 remontaient dans certains pays, comme l'Allemagne qui avait fait redémarrer ses centrales au charbon. Echec sur la sécurité d'approvisionnement enfin : elle était en danger avec des sous-capacités ici, des surcapacités là-bas et une politique incitant les producteurs d'énergie à fermer les centrales au gaz devenues non rentables. "On a fermé l'équivalent de 50.000 MW de capacité, soit l'équivalent de 50 centrales nucléaires", note Gérard Mestrallet.
"Aujourd'hui, poursuit-il, nous avons fait une partie du chemin". En octobre dernier, les 28 Etats membres de l'Union européenne ont adopté un "paquet énergie" qui reprend la proposition des grands énergéticiens européens qui voulaient réduire (par rapport à ce qu'elles représentaient en 1990) les émissions de CO2 de 40% d'ici 2030.
Tout n'est pas encore parfait cependant.
Sur le plan de la compétitivité, le groupe Magritte fait remarquer que la facture énergétique n'est pas encore, pour le consommateur, d'une transparence cristalline : les prix à la consommation élevés qui sont pratiqués en Europe (alors que sur les marchés, les prix sont en baisse) résultent de taxes et impôts supplémentaires qui représentent parfois 50% du coût final payé par le consommateur. Un phénomène qui annule les mesures prises pour faire converger les prix de l'énergie en Europe.
Du côté de la sécurité d'approvisionnement également, il y a encore du travail. Il faut diversifier les sources d'approvisionnement en gaz, travailler sur le stockage de l'électricité, renforcer l'intégration des réseaux électriques entre les pays, réduire et rationnaliser les subsides à l'énergie renouvelable...
Mais un point important, souligne Gérard Mestrallet, concerne le climat et le problème des émissions de CO2, surtout à quelques mois de la grande conférence sur le climat, qui va réunir à la fin de l'année 135 pays à Paris.
Relancer le marché du carbone
"Aujourd'hui, une question importante est celle du marché carbone, affirme le patron de GDF Suez. Le marché du CO2 s'est effondré parce qu'il était complètement rigide". En 2009, l'Europe a en effet émis trop de certificats carbone (des "droit à polluer, NDLR). Il y a 900 millions de certificats excédentaires et les géants de l'énergie ne désirent pas qu'ils soient remis sur le marché.
Le prix du carbone a atteint un niveau tellement bas qu'il n'encourage pas la transition vers une énergie sobre en carbone en Europe. "Nous militons pour faire remonter les prix du carbone, via la constitution d'une réserve de stabilité du marché. Les quotas d'émissions excédenta
ires seraient mis dans cette réserve, qui agirait comme une sorte de banque centrale, explique Gérard Mestrallet. Elle pourrait modifier le nombre de certificats émis en fonction de la croissance économique, ce qui permettrait de donner au secteur de l'énergie davantage de prévisibilité. Sur le principe de création de cette banque centrale, tout le monde est d'accord, assure encore Gérard Mestrallet. La question principale est la date. Le conseil européen a requis 2021. C'est trop tard. Nous militons en faveur de 2017."
Le moment est propice à quelques mois de la conférence de Paris sur le climat. " Nous, entreprises, nous souhaitons un accord, poursuit le patron de GDF Suez. L'absence d'accord signifierait l'incertitude, un certain désordre, une absence de visibilité". Or, sans visibilité, les entreprises n'investissent pas. " Nous préférons avoir des lignes de conduite ambitieuses et claires, souligne Gérard Mestrallet. Pour nous le prix du carbone est la bonne boussole pour nous permettre de nous diriger".

"La prolongation de Doel 1 et 2 devra répondre à nos critères de rentabilité"
Difficile de rencontrer le patron de GDF Suez sans aborder également la situation belgo-belge et la problématique des centrales nucléaires. Où en est-on ?
"Il y a deux centrales à l'arrêt (Doel 3 et Tihange 2, en raison de défauts découverts sur la cuve des réacteurs, NDLR). Elles font l'objet de travaux pour voir si elles peuvent repartir rapidement (les dossiers pour le redémarrage devraient être remis le mois prochain, NDLR). Mais, ajoute Gérard Mestrallet, la décision ne sera prise ni par le gouvernement, ni par nous, mais par les scientifiques de l'agence nucléaire belge".
Autre sujet : les discussions sur la prolongation (jusqu'en 2025) des centrales de Doel 1 et Doel 2.
"Vous avez vu que le cas de Tihange 1 a été réglé lors du précédent gouvernement. Au-delà d'un certain niveau de rentabilité, il y a un partage : 60% pour l'Etat, 40% pour GDF Suez. Il y a des discussions sur l'allongement de Doel 1 et Doel 2 sur le même principe, affirme le patron de GDF Suez. L'allongement de la durée de vie de Tihange a coûté 600 millions. La prolongation de Doel 1 et Doel 2 représenterait un investissement de 700 millions", poursuit-il. Il ajoute que pour que GDF Suez se décide à mettre cet argent sur la table, il devra être sûr que cet investissement "obéisse à nos critères de rentabilité". Un avertissement au gouvernement pour qu'il ne soit pas trop gourmand dans les négociations ?